Hôtel et résidence hôtelière, le méli-mélo enfin démêlé ?

La 18ème chambre - 1ère section du Tribunal judiciaire de Paris vient de se prononcer sur un sujet qui intéressera les praticiens des baux commerciaux et plus spécialement ceux friands de dossiers se rapportant à l’hôtellerie.

Outre, le rappel sur l’absence de l’acquisition de la clause résolutoire pour non-paiement des intérêts légaux eu égard au principe de l’interprétation stricte de cette dernière, le jugement daté du 8 octobre 2024 a surtout pour mérite de trancher clairement la question du distinguo subtil entre l’activité de « résidence hôtelière » et celle d’« hôtel ».

Ces deux notions sont toutes les deux parfaitement réglementées par le Code du tourisme (article D. 321-1 du Code du tourisme s’agissant de la résidence de tourisme et article D. 311-4 du Code du tourisme concernant l’hôtel de tourisme) et si la différence de définition est ténue, il ne peut être soutenu, selon la juridiction parisienne, que ces activités sont équivalentes.

Au regard des dispositions légales susvisées, la juridiction opère la distinction suivante :

  • Concernant l’hôtel de tourisme, il peut offrir à la location des « chambres » ou des « appartements meublés ».

  • Concernant la résidence de tourisme : • elle offre des « locaux d’habitation meublés » ; • elle a l’obligation de proposer un minimum d’équipements et de services communs (obligation qui ne pèse pas sur les hôtels) ; • elle est en principe équipée de cuisines ou à tout le moins de coins-cuisine permettant aux clients de prendre des repas en autonomie ;

Le Tribunal rappelle en l’espèce que le principal critère de distinction entre la résidence de tourisme et l’hôtel est l'autonomie des personnes hébergées dans les résidences hôtelières (également dénommées para-hôtelières dont le préfixe grec « para » signifie « à coté de ») qui n’est pas le cas dans les hôtels.

Le fait que la société locataire propose des petits-déjeuners, fournit du linge, dispose d'un accueil, procède au nettoyage des chambres, comme stipulé dans les baux, ne suffit pas à caractériser une exploitation conforme à la destination contractuellement prévue.

Ces services peuvent être proposés aussi bien dans les hôtels que dans les résidences hôtelières dès lors ils ne constituent pas le critère de distinction entre ces deux activités.

Comme indiqué, la distinction consiste dans le fait que les résidents puissent séjourner en autonomie avec la possibilité de préparer leurs propres repas dans les appartements grâce à des équipements adaptés.

Tout est véritablement une question d’appréciation des faits de chaque espèce.

En l’occurrence, les bailleurs ont pu faire constater que l'immeuble était exploité en tant qu'hôtel classé en catégorie 3 étoiles composé de 43 chambres.

De même, le compte rendu de visite signalait l’absence de meubles de cuisine dans les chambres, d'équipements, ou d'ustensiles pouvant y être associés (tels que table de cuisson, réfrigérateur, micro-onde).

Et pour terminer, le directeur de l’établissement confirmait l'absence de cuisines dans l'ensemble des chambres.

Partant, il est donc établi que la société locataire n'a pas procédé à des modifications des installations pour permettre l'exploitation d'une activité de résidence hôtelière conforme aux baux dans les délais impartis par les commandements visant la clause résolutoire, ni même postérieurement.

La clause résolutoire pour non-respect de la destination des baux a en conséquence été déclarée acquise.

La sanction est sévère, le preneur ayant vu sa demande de suspension des effets de la clause résolutoire rejetée, le Tribunal ayant considéré que celui-ci avait déjà bénéficié de larges délais depuis les commandements datant de 2017 et 2018 pour mettre son exploitation en adéquation avec la destination prévue aux baux.

De surcroit, la sanction est double puisque l’exécution provisoire a été prononcée par le Tribunal en faisant état, une nouvelle fois, de l’ancienneté du litige nonobstant la demande expresse du locataire de l’écarter.

Un appel sera très vraisemblablement interjeté par la société locataire et il sera intéressant d’analyser la motivation choisie.

A suivre avec attention donc.

Tribunal Judiciaire de PARIS, 18ème Chambre, 1ère Section, 8 octobre 2024, RG n°17/14330

Les actualités du Cabinet LVA

Toutes les actualités

07/11/2024

Au carrefour des cessions, l'existence de la clientèle

CA RENNES, 3ème Chambre commerciale, 3 septembre 2024, RG n°23/06929

Lire la suite

23/10/2024

Hôtel et résidence hôtelière, le méli-mélo enfin démêlé ?

Lire la suite

04/09/2024

Cumul or not Cumul ?

Tribunal Judiciaire de PARIS, Juge des Loyers Commerciaux, 3 mai 2024, RG n°20/02927

Lire la suite